Staciy, 27 ans, accouchement par césarienne (mai 2022)
M : as-tu accouché en clinique ou à l’hôpital ?
S : à l’hôpital.
M : était-ce ta première grossesse ?
S : oui.
M : peux-tu nous raconter ton expérience à partir du moment où les contractions ont commencé ?
S : il faut savoir que je suis suivie pour une mucoviscidose (suivi très strict). J’ai pris 30kg pendant ma grossesse, j’ai donc été déclenché en urgence à 36 semaines d’aménorrhées.
M : quand tu dis qu’ils t’ont déclenchée en urgence, quel était le motif ? Ton poids ?
S : oui, la prise de poids m’empêchait de respirer normalement.
M : peux-tu nous dire en quoi consistait ton suivi très strict par rapport à ta mucoviscidose ?
S : mon suivi consistait surtout à surveiller ma capacité respiratoire afin de ne pas avoir le moindre signe de détresse respiratoire ; j’avais une échographie toutes les deux semaines, des prises de sang, des analyses d’urines, des contrôles cardiaques et pulmonaires aussi pour éviter tout risque de surinfection. Pour être plus précise, à chaque consultation, j’avais un examen qui s’appelle un EFR (évaluation fréquence respiratoire) qui consiste à souffler dans une machine afin de calculer le VEMS (c’est la ventilation des poumons). Pour le côté cardiaque, j’avais un électrocardiogramme.
M : très bien, je te laisse nous raconter ton expérience.
S : les contractions ont commencé dès que l’on m’a posé le ballonnet. C’est une sorte de « tampon » qu’on glisse dans le vagin afin d’ouvrir le col pour favoriser l’accouchement. C’était une horreur, j’ai souffert à un point inimaginable. Je l’ai gardé 6 heures pendant lesquelles je pleurais de douleur. J’ai demandé à une sage femme de le retirer car c’était trop dur. Elle m’a répondu que ce n’était pas possible et que je devais patienter. Mon mari a fini par péter un câble, j’étais vraiment mal, les contractions étaient horribles. On ne m’a pas auscultée une seule fois pendant neuf heures. 10h après, on se rend compte que ça n’a servi à rien puisque le col est ouvert à 1. On me propose de patienter à nouveau, avec cette fois, une perfusion d’ocytocine. Je refuse car avec ma pathologie c’est interdit (risque d’infections). On me répond “bah écoute alors césarienne, c’est la seule solution”. Je demande s’il est possible de percer la poche des eaux et de voir ce que ça donne. On me répond que ce n’est pas possible, que le médecin a déjà donné son accord pour la césarienne et qu’il n’y a plus de retour en arrière. Nous sommes très déçus car à 10 heures du déclenchement il n’y avait pas réellement d’urgences au point de réaliser une césarienne.
M : que s’est-il passé ensuite ?
S : en l’espace d’une heure, on descend au bloc opératoire, on essaye la péridurale à 6 reprises, 6 essais pendant lesquels j’ai souffert. On m’informe que c’est bon et qu’on fait une rachis. Je me dis alors “cool, mon mari va enfin me rejoindre”. Mais d’un coup, je commence à trembler, j’ai envie de vomir, je me sens mal. On me dit « ah c’est vraiment pas le moment là » donc bon, je ravale mon envie de vomir très vite, je demande où est mon mari et on me dit « ah mais il ne viendra pas, on n’a pas assez de personnel pour l’habiller et le ramener”. La douche froide, je pleure énormément, on me dit “c’est pas très grave, une césarienne n’est pas vraiment un accouchement classique ». Génial, vraiment un super réconfort.
M : peux-tu nous dire où a attendu ton mari pendant la césarienne ? Est-ce qu’il a été informé de ce qu’il se passait pour toi au bloc ?
S : il est resté dans le couloir des urgences, personne n’est venu le voir, personne ne l’a informé qu’il ne pourrait finalement pas me rejoindre et personne ne lui a dit ce qu’il se passait.
M : je te laisse poursuivre.
S : on commence la césarienne, je ressens une douleur atroce dans le dos, je demande de suite à ce qu’on arrête, on me dit que c’est impossible que j’ai mal, que c’est dans ma tête, dû au stress, on me prend pour une folle. Je me dis c’est peut-être vrai, mais la douleur devient de plus en plus forte. Finalement, l’équipe décide de faire une pause, j’entends que le chirurgien explique à la sage femme qu’il a oublié de retirer l’aiguille de la rachis. Je sens qu’on me retourne, qu’on retire l’aiguille. La césarienne reprend. Dix minutes après, mon fils naît.
M : comment as-tu réagi ?
S : naturellement, je demande à le voir un peu. On me répond “ah non non c’est un prématurée on ne peut pas”. J’accepte et j’attends. La césarienne se termine, on me laisse trois heures au bloc opératoire (où il fait -20 degrés) sous prétexte que j’aurais des germes liés à ma pathologie. Ce serait risqué d’aller en salle de réveil et d’être en contact avec d’autres mamans.
M : pendant ces trois heures, étais-tu seule ? Personne n’est venu te voir ?
S : personne, pas de médecin, pas de sage femme, vraiment personne. Uniquement les brancardiers au moment de partir. Dieu merci j’avais eu mon téléphone.
M : est-ce que quelqu’un t’a amené ton téléphone ? tu pouvais communiquer avec ton mari à ce moment-là ?
S : non, j’avais amené mon téléphone pour faire une vidéo du moment où mon fils sortirait, donc je l’ai demandé après directement. Non je ne pouvais pas communiquer avec lui car il n’y avait aucun réseau.
M : étais-tu sous perfusion et sondée ?
S : oui, les deux.
M : est-ce que tu sais ce qu’il s’est passé pour ton fils une fois qu’il est naît ? Où est-ce qu’ils l’ont emmené ? Faire quoi ? Et combien de temps après le papa a pu le voir ?
S : je sais uniquement qu’ils l’ont emmené en salle de soins. Mais, entre le moment où il est né et le moment où mon mari l’a vu (il s’est passé une bonne heure) je ne sais rien. Pourtant, Dieu sait que j’ai remué le service pour avoir ces réponses.
M : je te laisse poursuivre.
S : on m’apporte une couverture, mon fils et mon mari. Je me suis dis que mon bébé allait être gelé dans cette pièce. Mon mari décide alors de remonter avec lui en chambre. Quand je les ai rejoint, mon fils avait déjà bu son premier biberon et portait sa première tenue. J’étais triste car j’aurais voulu être là pour vivre ces premiers moments.
M : quand tu es remontée en chambre, est ce qu’on t’a laissé le choix de rester sondée ?
S : non, on m’a demandé pourquoi j’avais encore la sonde qui aurait dû être retirée au bloc. Donc une fois en chambre, la sage femme me l’a retiré pour que je puisse aller aux toilettes. J’ai demandé de l’aide, on m’a répondu « ah non non à la maison il n’y aura personne pour vous aider ». Donc comme une idiote j’y suis allée seule. Malheureusement, je suis tombée et des agrafes ont sauté. J’ai fait une hémorragie.
M : est-ce que tu te souviens combien d’agrafes tu avais avant ton hémorragie ?
S : j’avais 13 agrafes.
M : peux-tu nous en dire plus sur ce qu’il s’est passé après ta chute au moment d’aller aux toilettes ? Est-ce que ça te dérange de rentrer un peu plus dans les détails ?
S : j’étais seule au moment de ma chute. Je n’arrivais pas à me relever, j’ai tenté pendant vingt minutes de crier mais pas trop fort pour ne pas déranger les autres mamans. Finalement, c’est mon mari qui m’a trouvée au sol et m’a aidée. On a immédiatement appelé l’équipe parce que je saignais vraiment beaucoup. Quand le personnel est arrivé, j’ai entendu “mais il fallait nous appeler” sauf que je n’étais pas censée me lever seule au départ. C’est elles qui m’ont laissé me débrouiller. Ensuite, le gynécologue est arrivé très vite, il m’a ausculté et nous a dit qu’il fallait retourner en urgence au bloc opératoire. C’est allé très vite, on est descendu, anesthésie générale, je suis revenue dans ma chambre sept heures plus tard.
M : est-ce que tu as pu aller en salle de réveil cette fois ?
S : non, je suis restée au bloc opératoire pour le même motif (j’ai su plus tard que c’était complètement faux que je n’avais aucun germe d’ailleurs).
M : est-ce que tu as eu des agrafes supplémentaires ?
S : oui, 8 agrafes supplémentaires donc 21 au total.
M : comment a évolué ta cicatrice après ça ?
S : ça a été très long, elle était très infectée, très mal réalisée. Elle me fait encore souffrir aujourd’hui.
M : est-ce qu’au moins une personne, parmi le personnel, t’a traitée correctement pendant cette période ?
S : Dieu merci j’ai eu deux sages femmes en or qui m’ont énormément aidée et soutenue. Malheureusement, elles n’étaient pas là tous les jours.
M : depuis, as-tu pu en savoir plus sur ce qu’il s’est passé immédiatement après la naissance de ton fils ?
S : non, et pourtant, on a fait un courrier auprès de l’hôpital en expliquant le déroulement de l’accouchement, tout ce qui a était a mon sens horrible mais aucun retour depuis.
M : veux-tu ajouter quelque chose ?
S : non, si j’ai pu répondre à tes questions ça me va.
M : merci beaucoup pour ta confiance, pour ton temps. J’espère que ça aidera d’autres femmes.
S : merci à toi, tu nous permets de pouvoir nous livrer.